Un autre vieux rêve devenu réalité!
Reproduction/interprétation d’une épée carolingienne (datée du IXème siècle) à chevrons damassés et décor de serpent, d’après un modèle retrouvé à Ouroux-sur-Saône (71) « au gué du port de
Varennes ».
L’objet original est visible au Musée Denon de Chalon-sur-Saône (numéro d’inventaire 19558).
Ma réalisation est le fruit de plusieurs mois de travail après une étude approfondie réalisée directement sur le modèle original.
La lame puissante est d’une grande rigidité.
Ses tranchants convexes possèdent une dureté très intéressante d’environ 54hrc ici.
Réaliser cette lame a été un vrai défi pour moi, car il s’agit d’un assemblage complexe de 9 barreaux de petites sections (5 barreaux sur le recto et 2 barreaux sur le verso + le tranchant
rapporté à l’aide de 2 barreaux également comme sur la lame originale).
Les gouttières sont comme toujours forgées en profondeur.
Un objet très sobre bien que réalisé à l’aide de 4 minerais de fer différents.
La lame, la garde et le pommeau contiennent une grande quantité de fer phosphoreux.
Phosphore qui donne un aspect plus clair aux décors damassés et permet surtout d’augmenter la rigidité de la lame.
Le phosphore qui est omniprésent dans l’équipement offensif et défensif dès l’Antiquité.
La monture reste assez simple avec une garde « canoë » classique et un pommeau en deux parties traversé par la soie qui est ensuite matée sur son sommet.
La fusée est en chêne est collée à même la soie à l'aide d'un mastic-colle artisanal fabriqué à partir de résine de pin.
Ce chêne est recouvert de cuir de truite artisanal (tannage végétal à l’aulne et à la gale du chêne).
Ce cuir est collé sur le bois à l’aide de vessie natatoire d’esturgeon appelée également ichtyocolle, la meilleure colle à cuir que je connaisse avec la gélatine de porc.
Un travail très long et très technique ici pour cette épée qui n’est pas sans rappeler la fameuse épée Skofnung et ce que l’on peut retrouver dans certaines sagas nordiques où un serpent
semble jaillir de la lame lorsque la pointe de l’épée est dirigée vers le ciel.
Ce même serpent semble remonter dans le bras de son possesseur lorsque la pointe est dirigée vers le sol et/ou pour remettre l’épée dans son fourreau (avec ses écailles, le cuir de truite est
un rappel aux dragons et serpents de ces sagas).
Une épée intégralement réalisée à l’aide de matériaux fabriqués artisanalement.
Lors de sa réalisation et comme très souvent, j’ai dû faire face à de très nombreuses problématiques qui n’existent pas lorsque l’on emploie des matières industrielles.
Fabriquer une épée avec des matières artisanales proches de ce que l’on retrouve en musée n’a strictement rien à voir avec les matières modernes qui sont finalement très reposantes et faciles
à utiliser.
C’est un autre univers.
Pour conclure, lorsque je me remémore la réalisation de cette épée, je me rends compte à quel point l'utilisation de matières artisanales et au rendu organique est importante pour la
reproduction de pièces de musées.
On peut facilement dire que nous n’en sommes qu’à la Préhistoire de la compréhension de ces objets (et nous sommes en 2023 lorsque j'écris ces lignes).
Tout reste encore à découvrir et ça, c’est bien chouette!